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Grèce : Une nation déclassée prête à voter Syriza

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Addendum : La Grèce entre chômage élevé et forte fiscalité

Électricité coupée, retraites et droits sociaux amputés : nombre de Grecs veulent la fin de l’austérité.

Ce matin-­là de janvier, il fait 3 °C à Athènes. Et seulement 13 °C dans l’appartement d’Evguénia Michalakou, dans le très résidentiel quartier d’Aghia Paraskevi, à l’est de la capitale grecque. « Cela vous semble peu ? Pour nous, c’est un petit miracle ! », lance dans un sourire cette pétillante quadragénaire. Après deux ans sans électricité, Evguénia et sa famille viennent en effet de se faire rétablir le courant le 31 décembre 2014.

C’est cette Grèce déclassée, lessivée par quatre années de crise et d’austérité, qui s’apprête aujourd’hui à voter pour la Syriza, aux élections législatives du 25 janvier. Le parti entend bien étendre à l’échelle nationale les recettes sociales expérimentées en Attique, la plus grande région de Grèce autour d’Athènes.

« Depuis, on a installé deux gros radiateurs électriques à roulettes que l’on balade de pièce en pièce, et nous avons retrouvé le plaisir de nous la- ver à l’eau chaude. Nous reprenons une vie normale », se félicite cette mère de deux garçons de 11 et 18 ans, réceptionniste téléphonique.
« Jusqu’en 2010, mon mari et moi gagnions à nous deux environ 3.000 euros par mois et nous vivions tout à fait confortablement, explique-t-elle. Mais, en 2010, mon mari a perdu son travail, et mon salaire a baissé de 50 %. Depuis, nous vivons avec mes 400 euros de salaire mensuels, alors nous avons dû cesser de payer nos factures. »

10.000 familles bénéficiaires

La région Attique, désormais dirigée par la gauche radicale de la Syriza, est intervenue pour rétablir le courant chez Evguénia et négocier un étalement de sa dette avec la compagnie grecque d’électricité (DEI). « Ma mère va m’aider sur sa retraite de 700 euros à payer 220 euros par mois pendant neuf mois, mais c’est la région qui a payé la première mensualité », raconte Evguénia.

Comme les Michalakou, 10.000 familles devraient bénéficier de cette aide d’ici à la fin 2016. « Je suis au chômage depuis près de deux ans et ma femme aussi », explique Sotiris Bouranis, rencontré dans les locaux du dispensaire de santé de Médecins du monde (MDM) à Pérama, une banlieue populaire d’Athènes.

Perdre son emploi en Grèce, c’est perdre dans l’année qui suit sa couverture sociale et donc l’accès aux soins. « Je suis venu faire vacciner gratuitement mon fils Aris de 4 ans, car je n’ai pas les 80 euros pour acheter le vaccin alors que j’ai bossé et cotisé pendant près de vingt ans ! », s’emporte Sotiris.

« Crise humanitaire »

Le chômage atteint en Grèce 25,5 % de la population active, soit plus d’un million de personnes, mais, avec les ayants droit – femmes et enfants –, MDM estime que près de 3 millions de Grecs seraient aujourd’hui exclus du système de santé publique. « Nous voyons beaucoup de petits entrepreneurs qui ont fait faillite dans la crise », précise Liana Maïli, la présidente de MDM en Grèce. Une nouvelle loi visant à aider les patients non assurés à se faire soigner à l’hôpital vient d’être votée, mais n’est pas encore véritablement appliquée.

Dans une petite ruelle du centre d’Athènes, une centaine de retraités, tous tirés à quatre épingles, attendent comme chaque jour la distribution de la soupe populaire organisée par la fondation religieuse Gallini (« la paix »). « Je ne dis à personne que je viens manger ici », avoue, pudique, une vieille dame particulièrement élégante.

« Leur retraite ne dépasse souvent pas les 700 euros par mois, pas as- sez pour faire face à tous leurs besoins », soupire Sotiris, l’un des bénévoles. Dans le cadre des mesures d’austérité imposées à la Grèce depuis quatre ans en échange de 240 milliards d’euros de prêts, les retraites ont en effet été amputées de 30 % en moyenne. Les soupes populaires, qu’elles soient gérées par l’Église ou par des ONG, se sont multipliées. La nourriture distribuée ce jour-là par Gallini vient des cuisines d’un grand hôtel.

C’est l’association Boroume ! (« nous pouvons ! »), créée en 2012 par Xénia Papastravou, qui sert de facilitateur entre donateurs et bénéficiaires. « J’ai créé Boroume ! il y a deux ans face à un constat simple : de plus en plus de Grecs ont du mal à se nourrir alors que des tonnes de denrées sont gaspillées chaque jour », raconte la jeune femme.

« Aujourd’hui, nous distribuons près de 3.000 repas par jour dans 80 villes de Grèce, soit plus de 2 millions de repas depuis 2012. Nos bénéficiaires sont surtout des retraités et des chômeurs souvent issus de ce que l’on appelait avant la classe moyenne », explique-t-elle.

« Sur notre budget de 579 millions d’euros, nous allouons 13 millions à notre plan pour soulager l’urgence sociale, affirme Christos Karamanos, le vice-président de la région aux affaires économiques et sociales. 30 % de la population grecque a basculé sous le seuil de pauvreté de- puis quatre ans et nous devons mettre fin à cette crise humanitaire. Si la Syriza gagne, elle affectera 1,8 milliard d’euros pour aider les plus pauvres. »

Jugées populistes et irréalistes par les conservateurs de Nouvelle Démocratie, ces promesses séduisent pourtant les Grecs les plus vulnérables, même s’ils sont sans grandes illusions. « Ce n’est pas que je crois vraiment à leur projet, avoue Antigone Chiovanaki, une autre bénéficiaire du programme de rétablissement de courant de la région, mais je veux juste que ça s’arrête. J’ai voté toute ma vie pour Nouvelle Démocratie, mais je ne crois plus à leurs promesses. »

Le Monde


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